Histoire du port du Loch-Partie 2
Le canot de sauvetage « Paul Lemonnier » du Loch Primelin
Par Hervé THOMAS
Le canot Paul LEMONNIER (de type « HENRY ») a été construit à la Rochelle aux chantiers Decout-Lacour en 1906.
C’est un grand modèle : 10m.
M. HENRY, agent technique de la Marine à Rochefort, s’intéresse depuis longtemps aux embarcations de sauvetage, et le journal Le Yacht, dans son numéro du 4 décembre 1897, fait état de son invention. On dirait maintenant du canot Henry qu’il est un dériveur lesté. Les premiers essais ont été faits à Rochefort sur une baleinière de la Marine de 8,50 m en acier par le constructeur M.F. Decout-Lacour à La Rochelle. La stabilité est assurée par une ou deux dérives (suivant le modèle), formant bulb-keel avec un cigare de plomb ou de fonte dans la partie inférieure. L’évacuation très rapide de l’eau embarquée se fait par le puits de dérive ouvert affleurant le pont au centre. L’insubmersibilité est obtenue grâce aux dômes avant et arrière, et grâce à de nombreuses caisses à air sous le pontage et sur les côtés, comportant de nombreuses portes de visite étanches. Pour que ces caisses à air ne perdent leur qualité en cas d’avarie grave, quelques unes, en nombre suffisant pour assurer la flottabilité de l’ensemble, sont remplies de kapok.
Les caractéristiques du modèle de 6,50 m de long sont les suivantes :
- largeur : 2 m
- tirant d’eau bulb haut : 0,50 m
- bulb bas : 1,20 m
- poids à vide : 1000 kg
- six avirons
- surface de voilure : 16,61 m² – foc : 1,88 m² – gd. voile10,55 m² – tapecul: 4,18 m².
Adopté par les Hospitaliers Sauveteurs Bretons, le premier est envoyé en 1895 à La Rochelle et un second est en chantier pour Saint-Servan en 1902.
Deux autres modèles, l’un de 8,50 m, l’autre de 10,30 m (longueur du Paul LEMONNIER), sont également proposés.
La presse du temps est très élogieuse et le lancement de ce canot a un grand retentissement. Le capitaine DUBOC, ancien lieutenant de vaisseau, auteur de l’article dans Le Yacht, n’hésite pas à écrire que le canot est appelé à remplacer rapidement tous les canots de la Société centrale en raison de ses qualités : plus grande stabilité sans voile ; meilleur redressement ; évacuation plus rapide de l’eau embarquée ; suppression des puits d’évacuation freinant la vitesse ; prix de revient très inférieur.
La commission technique d’étude de la Centrale est donc amenée à examiner attentivement ce nouveau canot, et les solutions qu’il propose. Voici ses conclusions : « Le dériveur central lesté permet une bonne tenue sans voile et un bon louvoyage, mais ce dériveur doit être relevé, au passage des hauts fonds et des barres à brisants, et c’est précisément là que le canot risque le plus de chavirer. En cas de chavirage, le redressement du canot HENRY est assuré, moins par son dériveur que par ses dômes avant et arrière, qui sont d’un volume et d’une saillie au moins aussi considérables que sur les canots de la Société. Or, sur ces derniers, dix avirons (douze pour certains) sont juste suffisants pour surmonter un vent violent, et le canot HENRY n’a que six avirons. Grâce au puits de dérive ouvert à même le pont, l’évacuation de l’eau embarquée doit se faire rapidement quand le dériveur est abaissé, et que la gîte n’est pas trop accusée. Mais lorsque le dériveur est relevé, le fuseau de plomb obture hermétiquement l’ouverture, et il ne peut en être autrement parce que, sans cela, le sable et les galets s’introduiraient et coinceraient le dériveur, de manière à rendre sa manœuvre impossible. Or, c’est précisément au passage des brisants, où l’embarcation a le plus de chance d’embarquer des paquets de mer et de s’emplir, que le dériveur doit être relevé et, par suite, l’ouverture du puits obturée. » Suivent des considérations sur le prix des canots de sauvetage qui ne peut être le seul critère de choix, l’emplacement de la station qui commande bien souvent le genre de canot à adopter, et enfin, la place pour loger les naufragés recueillis jugée nettement insuffisante.
Arrivée du canot en Bretagne
Son transfert fut réalisé par rail de la Rochelle jusqu’à Douarnenez en septembre 1906.
Le bateau, trop grand, ne put prendre le petit train de Douarnenez-Audierne. C’est sans doute par route qu’il arrive à Audierne. La cale de lancement au Loch n’étant pas entièrement terminée, le canot resta sur Audierne quelque temps.
La dépêche du Mardi 1er janvier 1907 signale sur Audierne
Le bateau reste en service au Loch Primelin de 1907 à 1936.
Durant les 29 ans de service du canot, le bateau aurait fait une centaine de sauvetages.
Daniel THOMAS, patron du canot jusqu’en 1925, fait environ 70 sorties de sauvetage avec le canot. Il passa la main par la suite à Henri le Berre. Du bateau, ne subsiste pratiquement aucune photo, malgré tout, le photographe Joseph VILLARD (photographe des cartes postales) membre des H.S.B. de la section de Quimper en prit quelques clichés.
Le destin fit qu’il racheta le canot pour son usage personnel (100F) au H.S.B., suite à l’arrivée du nouveau bateau de sauvetage « Capitaine de Vaisseau de KERROS » en 1936. Des clichés furent réalisés lors du transfert du bateau à Bénodet. Il fut remorqué par le nouveau bateau jusqu’à sa destination.
Au dire de Claude VILLARD, son fils, le canot était encore sur Bénodet dans les années 1956 – il se souvient de le voir dans son hangar près de l’église du port de Bénodet.
Joseph VILLARD, (l’homme à la casquette) en famille, sur les rives de l’Odet à bord du canot qu’il utilisera durant plusieurs années, avant de le léguer à la ville de Bénodet.
Quelques années plus tard, il aurait aussi servi de plongeoir devant la plage principale, au plus grand plaisir des baigneurs. Il finit ainsi sa carrière nautique.