L’Ouest en mémoire – Marie Jeanne Kerloch
La télévision offre parfois des images que l’on ne sait pas vraiment classer, des portraits de gens drôles, parfois touchants qui à première vue ne présentent pas réellement d’intérêt mais qui, en nous emmenant parfois vers des rencontres inattendues, font le charme de la télévision…. au risque de se frotter à l’excès de pittoresque.
La série d’émission intitulée « Les gens d’ici », diffusée de 1972 à 1981, dont ce document fait partie, nous emmène à la découverte de Français de tous horizons et milieux sociaux. Ils nous font partager leur vie quotidienne, leurs préoccupations et leurs passions. Ce film consacrée à une vieille femme, Marie-Jeanne, semble à première vue ne pas relever d’un intérêt particulier et nous rappelle plus un vrai-faux reportage du Petit Rapporteur réalisé par Daniel Prévost ou Pierre Desproges qu’un véritable reportage. En effet l’humour de cette vieille femme et la complicité entre celle-ci et le journaliste participe au caractère à la fois drôle et touchant de l’émission. Cependant il ne faut pas sous-estimer la valeur d’un tel document. Si l’on peut rire de ce portrait d’une femme âgée atypique qui tient seule un bar isolé le long de la côte bretonne, qui n’a presque pas de client et qui voyage dans toute l’Europe dès qu’elle a un peu de sous de côté, on peut déceler à travers les propos de cette femme très simple et joyeuse les événements et les changements qui ont secoué la Bretagne à cette époque. Elle fait part de son engagement quand un projet de centrale nucléaire a été annoncé à Plogoff. Elle n’hésite pas alors à parler de guerre civile et elle manifeste son ressentiment contre la consommation parisienne.
Marie-Jeanne nous raconte aussi qu’avant de tenir cette buvette et de s’installer à son compte, elle a d’abord été « bonne à tout faire » à la ville. Son histoire personnelle illustre donc l’exode de ces jeunes filles qui depuis la fin du XIXe siècle devaient quitter le milieu rural breton pour aller en ville, souvent à Paris, afin de travailler comme employée de maison dans les familles bourgeoises.
Martine Cocaud