Euredenn

Les Beuzecois(es)

Alliance Beuzec Cap Sizun – Saint Evarzec

Texte et photos : Jean Pierre Griffon

Euredenn-© Jean-Pierre Griffon

Après avoir été vice-champion de Bretagne en 2002 et 2003 du concours de danses organisé par la Fédération Kendalc’h, avoir été consacré champion en 2004 et 2005, on peut encore rêver d’autre chose. Au printemps de l’an passé, les responsables de l’ensemble Kanfarded de Saint-Evarzec, qui ont fait le choix de ne pas présenter le groupe au concours de danses en 2006, commencent à cogiter sur la saison à venir.
Le temps passant, l’idée de la création d’un spectacle mûrit. Il faut trouver un partenaire, puisque le souhait voire l’impératif est d’unir deux Cercles, l’un de la Fédération Kendalc’h (Kanfarded), l’autre de la Fédération War’Leur (Cercle des Bruyères), et un bagad, de la Bodadeg ar Sonerion (B.A.S.), de faire travailler ensemble les trois Confédérations existantes.
Diverses collaborations sont envisagées. Et pourquoi pas Beuzec Cap Sizun ? Le groupe folklorique de la commune capiste possède à la fois un Bagad et un Cercle affilié à War’ Leur, qui ont déjà l’habitude de travailler ensemble. Cela ne pourrait que faciliter les choses. Sans doute les Beuzécois ne peuvent-ils pas présenter exactement la même carte de visite que les Saint-Varzécois mais ils ont tout de même fait leurs preuves : Bagad et Cercle évoluent tous deux en première catégorie dans leur domaine respectif.
Des contacts sont pris par les responsables des Kanfarded avec ceux du Groupe des Bruyères, Patrick Quéré, Catherine Paul et Frédéric Faussier. Les autorités municipales sont mises dans le coup.

PAS SI SIMPLE

Euredenn-© Jean-Pierre Griffon

A l’automne 2005, le projet est lancé. En quoi consistera-t-il précisément ? Il n’y a encore rien de bien défini lorsque les premières relations s’établissent.
Les rencontres entre les deux Cercles démarrent. Elles ont lieu de façon régulière, malgré le lourd investissement que cela constitue au niveau des déplacements (quelque 100 km de trajet aller-retour). Des week-ends de travail ont lieu soit à Saint-Evarzec, soit à Beuzec Cap Sizun, avec une préférence pour les répétitions à Saint-Evarzec, commune qui dispose d’une salle plus appropriée que les locaux que peut offrir la localité capiste.
Tout n’est pas forcément simple. Les façons de travailler de chaque groupe sont différentes et pourtant il faut arriver à donner de la cohérence à l’ensemble. Il n’est pourtant pas question de déroger à la ligne qui a été tracée au départ, celle d’une élaboration du spectacle faite dans la concertation. Chaque groupe doit prendre sa part dans la réalisation de la production. Des parties de chorégraphie sont à la charge des Kanfarded, d’autres sont assumées par les Beuzécois. Il faut aussi parvenir à bien s’adapter à l’accompagnement musical qui n’a pas été le même pour les deux Cercles : bagad pour les Capistes, orchestre pour les Saint-Varzécois. Il convient par ailleurs d’assurer une juste place aux musiciens du bagad.
Quant à la liaison des différents moments du spectacle, elle est imaginée par Steven Ropars, membre des Kanfarded.

EPOUSTOUFLANT

Euredenn-© Jean-Pierre Griffon

Et le résultat fut … époustouflant. C’est l’adjectif qui revient le plus souvent pour qualifier la prestation commune des trois groupes. L’avant-première se tint fin juin dans la toute récente salle Avel Dro à Plozévet. Danseurs et musiciens recueillirent à la fin du spectacle des applaudissements chaleureux et fournis. La seconde représentation complète se déroula dans le temple de la danse bretonne, au festival de la Saint-Loup à Guingamp le 12 août. En ce lieu habitué à une grande qualité des spectacles, la critique fut fort élogieuse, parlant de «création géniale», d’un «véritable petit bijou», d’une «géniale chorégraphie», vivante et pleine d’inventivité. Ce sont ensuite les visiteurs de la Fête des Bruyères à Beuzec Cap Sizun qui, le 13 août, eurent le grand plaisir de découvrir «Euredenn», au cours de la soirée. Et pendant toute la durée du spectacle (près d’1 h 45) la foule resta exceptionnellement dense autour du podium, qui avait été agrandi (quelque 200 m2 de surface) pour donner aux artistes les meilleures conditions pour la réussite de leur prestation. Et à la fin du spectacle, l’assistance leur réserva un véritable triomphe. Il n’est pas sûr qu’en plus de quarante années d’existence la fête beuzécoise ait connu un moment aussi fort.

UNE PROFUSION DE COSTUMES

Euredenn-© Jean-Pierre Griffon

Différentes raisons expliquent le succès rencontré par «Euredenn». Il ne faut d’abord pas négliger la beauté et la variété des costumes. Certes chaque Cercle ne dépasse pas les limites de son terroir. Pourtant chaque groupe a offert au plaisir des yeux plusieurs costumes et, si ceux des femmes sont les plus remarquables, les costumes des hommes ne manquent pas non plus d’intérêt.
Le Cercle des Bruyères a l’occasion de montrer quatre costumes féminins différents : le premier (celui qu’adopta à ses débuts le groupe beuzécois) comporte la coiffe pen sardinn portée avec un costume de mariée d’entre les deux guerres; la coiffe kapenn (plus ou moins simple, mais toujours sobre) vint plus tard, portée soit avec des vêtements de cérémonie soit avec des vêtements de travail. Depuis quelques années le costume noir de l’Ile de Sein s’est ajouté aux précédents. Les hommes portent soit des bragou braz soit un pantalon, les vêtements du haut étant identiques (gilet sans manche avec deux rangées de boutons et veste courte). Plus récent est le costume de marin, correspondant masculin du costume d’Ilienne.
Si le Cercle des Bruyères veille à l’authenticité de ses costumes, le groupe Kanfarded a porté ce souci au plus haut niveau. Dès sa création, il s’est attaché à un travail de recherches dans le domaine des habits de son terroir. L’ancien président, Ronan Runavot, et Steven Roparz y ont plus particulièrement œuvré. Le groupe s’est désormais acquis un patrimoine de quelque 150 costumes de différentes époques, tous confectionnés et brodés «à la main» comme autrefois. Vu sa position géographique, la commune de Saint-Evarzec a été ouverte à différentes influences. Ainsi pourrait encore être ajouté aux costumes présentés en spectacle un costume d’un autre quartier de la commune, du côté de Troyalac’h, proche de Quimper, caractérisé par la coiffe «borleden». Le groupe n’en possède pour l’instant qu’un seul exemplaire.
Les spectateurs d’ «Euredenn» ne peuvent qu’être séduits par la magnificence des habits utilisés par les danseuses des Kanfarded, et aussi par leur diversité et leur spécificité. Ils admirent les habits de cérémonie du terroir de l’Aven, avec deux coiffes différentes : la petite coiffe de l’Aven et la coiffe capot brodée. Le costume de travail du terroir de l’Aven est aussi utilisé sur scène. Tout à fait différents sont les costumes de la ville, le costume des bourgeoises de la commune. Et les habits masculins sont à l’unisson des costumes féminins.

QUATRE-VINGTS DANSEURS – CINQUANTE MUSICIENS

Euredenn-© Jean-Pierre Griffon

Et ces costumes sont portés sur scène par un nombre impressionnant de danseurs et de danseuses, environ quatre-vingts, nombre qui donne de la force au spectacle donné sur une grande scène.
Celle-ci est de surcroît occupé également par de nombreux musiciens, puisque s’y produit le bagad Beuzeg, qui compte une quarantaine de joueurs de biniou, de bombarde et de batteurs. Sa qualité musicale (il est classé depuis trois ans en première catégorie) constitue un atout supplémentaire pour le spectacle. A cela s’ajoute l’orchestre de Saint-Evarzec, formé de musiciens confirmés. Il utilise différents instruments, traditionnels pour les uns, plus contemporains pour d’autres : violon, guitare, piano, bombarde, saxophone… Le spectacle comporte de plus des chants interprétés par des voix masculine ou féminines. Cet accompagnement musical des danses est très soigné par le groupe saint-varzécois. En témoigne d’ailleurs son nom officiel : Ensemble de danse et musique Kanfarded Sant-Evarzeg.

UNE CULTURE VIVANTE

Danseurs et danseuses maîtrisant bien leur art, musiciens au même diapason : pour les mettre en valeur restaient la mise en scène et la chorégraphie. Bien que cette dernière ait été l’œuvre de nombreux membres des deux Cercles, elle donne une impression réelle de cohésion, fruit il est vrai de plusieurs mois de travail en commun. Bonne occupation de la scène, rythme enlevé, mise en scène inventive, utilisant différents accessoires (masques, habits, bandes de tissu …), sachant créer diverses atmosphères, vive, entraînante, enjouée, mais aussi troublante voire ténébreuse. Il est un moment en particulier qui a fait le bonheur des spectateurs, celle de la confrontation d’un danseur de Saint-Evarzec et d’un batteur de Beuzec Cap Sizun, rejoints ensuite par des compères.

Pas étonnant donc que l’ethnologue parisien soit revenu de ses idées reçues. La trame du spectacle est constituée en effet par le récit de la mission en Bretagne de ce personnage au début du siècle dernier (l’histoire a été écrite par Steven Ropars, de Saint-Evarzec). Quelles découvertes ne va-t-il pas faire ! Et la représentation se termine par un vibrant hommage à la culture bretonne qui reste toujours vivante, comme l’ethnologue a pu le noter, et qui le restera..

KANFARDED SANT-EVARZEG

Euredenn-© Jean-Pierre Griffon

L’Ensemble de danse et musique Kanfarded de Saint-Evarzec est un groupe plus jeune que le Cercle des Bruyères : il n’ a été créé en effet qu’en 1989 tandis que le groupe capiste date de 1969. Il a toujours appartenu à la Fédération Kendalc’h. Après quelques mois d’existence simplement, il accède en 2ème catégorie. Les Kanfarded continuent leur progression et passent en 1ère catégorie en 1996. L’an 2004 est l’année de la consécration : ils reçoivent le Trophée Gradlon au Festival de Cornouaille, déjà obtenu en 2001 et surtout ils deviennent champions de Bretagne en remportant à la Saint-Loup de Guingamp aussi bien la partie libre que la partie imposée du concours de danse. Et cerise sur le gâteau, la reine de Cornouaille fait partie des Kanfarded. L’année suivante, ils gardent leur titre de champions de Bretagne, qu’ils essaieront de reconquérir en 2007, après une année 2006 consacrée à monter et à jouer le spectacle «Euredenn» avec le groupe beuzécois.

LES DANSES

La mission de l’ethnologue est prétexte à découvrir la grande diversité des danses bretonnes, liées à des terroirs. C’est à un tour de la Bretagne historique que sont conviés les spectateurs d’Euredenn. Successivement, ils découvrent :
Rond de Saint-Vincent, Laridé de Josselin, Avant-Deux de Saint-Just et Saint-Martin, Suite de Loudéac, Danses du Pays de Penthièvre, Danses du pays nantais, Danses du Trégor (Dérobée de Guingamp…), Gavottes de l’Aven et du Cap Sizun, Danse Plinn, Danse Fisel, Laridé six temps.

Jean Pierre Griffon

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